Indépendance financière des femmes : encore un combat à mener
Soixante ans après la loi de 1965, qui a enfin permis aux femmes d’ouvrir un compte bancaire et de travailler sans l’autorisation de leur mari, l’autonomie financière reste plus un idéal qu’une réalité. Les droits sont là, mais les écarts patrimoniaux et les obstacles concrets demeurent.
L’égalité des droits ne fait pas l’égalité des moyens
En 2025, les femmes disposent de l’ensemble des leviers juridiques pour gérer leur argent. Pourtant, dans la pratique, l’autonomie financière reste incomplète. En moyenne, elles gagnent 22,2 % de moins que les hommes, détiennent 16,3 % de patrimoine en moins et restent largement minoritaires parmi les investisseurs. Seules 36 % des nouveaux entrants en Bourse sont des femmes, qui se tournent majoritairement vers des placements prudents, donc moins performants à long terme.
Avec l’âge, ces disparités se creusent. Les pensions de retraite des femmes sont inférieures de 38 % à celles des hommes, conséquence directe de carrières plus courtes, morcelées, souvent marquées par le temps partiel, des congés parentaux ou un accès limité aux fonctions à haute responsabilité. À cela s’ajoute une forme d’autocensure financière, nourrie par un manque de confiance en soi sur les sujets patrimoniaux.
« Nous avons obtenu le droit d’ouvrir un compte, pas celui de maîtriser notre patrimoine. L’autonomie financière réelle reste à conquérir », résume Anne-Laure Frischlander-Jacobson, fondatrice d’Evvest. Pour elle, l’égalité formelle masque encore des leviers économiques inaccessibles à trop de femmes.
Mieux informées, mais encore trop peu engagées
Les mentalités évoluent, et les femmes sont aujourd’hui mieux formées sur les sujets financiers. Sur le fonctionnement d’un crédit, 76 % se disent à l’aise (contre 80 % des hommes), et 74 % maîtrisent les bases de l’épargne (vs 79 %). Des chiffres encourageants, mais qui peinent à se traduire en actes.
Sur l’investissement, le fossé reste net : seulement 44 % des femmes se disent compétentes, contre 57 % des hommes. Un écart qui s’explique aussi par un déficit de pratique.
« Les femmes s’autoévaluent plus sévèrement, mais elles investissent aussi moins, donc apprennent moins par l’expérience », souligne Isabelle Le Bot, directrice générale de La France Mutualiste.
Conséquence : elles restent sous-équipées. Si les livrets sécurisés (Livret A, LDDS, LEP) restent plébiscités, elles sont moins nombreuses à souscrire une assurance vie (–7 points) ou un PEA (–9 points).
« En évitant les supports plus dynamiques, elles se privent d’un levier de performance essentiel, ce qui creuse l’écart de patrimoine », alerte Adeline Lemaire, directrice exécutive Fonds de fonds chez Bpifrance.
Pour investir, il faut déjà pouvoir mettre de côté
Pourquoi ces freins persistent-ils ? La réponse tient autant à la répartition des revenus qu’à la charge mentale ou aux normes sociales.
Selon l’Insee, le salaire moyen des femmes dans le privé reste inférieur de 22,2 % à celui des hommes. Ce déséquilibre de départ complique l’accès à l’épargne, et encore plus à l’investissement. Or pour prendre des risques, il faut déjà disposer d’une épargne de précaution.
Pour progresser, les expertes s’accordent sur trois leviers :
Mieux gagner sa vie.
Cela passe par la négociation salariale, la revalorisation des tarifs pour les indépendantes, et la reconnaissance de la valeur de son travail. « Apprenez à défendre vos prix, vos compétences, vos contributions », encourage Insaff El Hassini.
Construire un filet de sécurité.
Mettre de côté l’équivalent de 3 à 6 mois de charges fixes permet de faire face aux imprévus sans entamer ses placements.
Se former, à son rythme.
« Pas besoin d’un doctorat en finance pour se lancer. Il faut simplement comprendre les grandes classes d’actifs, les risques, et ses objectifs », rassure Isabelle Le Bot. Livres, podcasts, ateliers ou formations en ligne : les ressources existent, et beaucoup sont pensées pour les femmes.